Accidents du travail, quelle reconnaissance par la justice ?

Exclusif. Dans un rapport d’analyse confidentiel, la legaltech Predictice détaille les villes de France où les accidents professionnels sont le mieux pris en compte par la justice. 

Le nombre d’accidents mortels au travail a globalement diminué ces dix dernières années en Europe.

Pourtant, il a augmenté en France passant de 537 en 2010 à 803 en 2019, d’après un manifeste publié par la Confédération européenne des syndicats, publié le 28 avril dernier.

Le pays enregistre également le taux d’incidence le plus élevé d’Europe, avec 3,53 accidents mortels en moyenne pour 100 000 travailleurs.

Ces accidents mortels ne sont qu’une petite partie des contentieux traités par la justice mettant en cause l’incapacité de l’employeur à protéger la santé de ses salariés et à assurer correctement leur sécurité.

Les trente-six cours d’appel de l’Hexagone ont traité 6 757 dossiers de ce type depuis 2017, d’après un rapport d’analyse confidentiel de la startup Predictice auquel Lex Daily News a eu accès.

Des manquements difficiles à faire constater

Sur ces 6 757 dossiers présentées devant les juridictions d’appel avec pour fondement le manquement de l’employeur à son obligation de santé et de sécurité, seuls 3 716 ont été reconnus comme tels depuis 2017.

Pourtant, l’obligation pour l’entreprise d’assurer la bonne santé et sécurité de chacun de ses salariés est assez stricte.

L’employeur doit être capable de justifier d’avoir pris les mesures suffisantes pour protéger ses salariés d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle.

L’obligation de sécurité de l’employeur, qu’est-ce que c’est ?
« L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentales des travailleurs », indique l’article L4121-1 du Code du travail.
Pour ce faire, il doit mettre en place des actions de prévention, d’information et de formation.
Il doit également évaluer les risques professionnels sur chaque poste de travail. Ces risques sont consignés dans un document.
En cas de non-respect de cette obligation, sa responsabilité civile et/ou pénale peut être engagée.

Ce taux de 55% de reconnaissance d’un manquement à cette obligation a de quoi décourager d’autant qu’il a rarement été autant demandé aux employeurs de protéger leurs salariés que depuis le début d’épidémie de Covid-19.
Il doit, toutefois, être remis en perspective puisqu’il ne concerne que les affaires qui ont été jusqu’en appel. La reconnaissance diffère aussi d’une juridiction à l’autre.

Extrait du rapport d’analyse « Manquement à une obligation de sécurité » de Predictice.

La cour d’appel de Paris, par exemple, a condamné l’employeur pour manquement à cette obligation dans 69% des 1 098 affaires présentées devant ses juges depuis 2017, selon le rapport d’analyse de Predictice.

Devant la cour d’appel de Versailles, la troisième à traiter le plus de dossiers de ce type, le taux de reconnaissance s’élève à 67%.

À une moindre échelle, la cour d’appel de Bourges, qui a traité 45 demandes, a condamné l’employeur dans 80% des cas tandis que la cour d’appel de Papeete dispose d’un taux de reconnaissance de 100%, sur deux affaires.

Des délais dans la moyenne

Un autre facteur pousse les salariés à ne pas saisir la justice voire à ne pas mettre en cause leur entreprise sur ce point : la longueur de la procédure.

Selon les données de Predictice, la durée moyenne entre la juridiction de première instance et la cour d’appel est de 2 ans et 8 mois, soit deux mois de moins que pour des faits d’harcèlement moral.

Pour un pourvoi en cassation, il faudra compter un an et 10 mois de plus, ce qui est à peu près dans la moyenne des délais de justice toujours plus long.

Extrait du rapport d’analyse « Manquement à une obligation de sécurité » de Predictice.

De faibles indemnités

Lorsque le manquement de l’entreprise est reconnu, elle peut être condamnée à verser des dommages et intérêts aux victimes.

D’après le rapport de Predictice, l’indemnité moyenne s’élève à 4 000 euros.

Plus précisément, dix cours d’appel sur les trente-six existantes ont condamné un employeur à 4 000 euros de dommages et intérêts.

Bastia et Fort-de-France sont les plus généreuses avec 13 000 euros, les manquements constatés dans les quatre situations traitées étaient, peut-être, plus importants.

Notons qu’à Paris, les juges de la cour d’appel ont prononcé des sanctions pécuniaires dans 575 des 763 condamnations prononcées depuis 2017.

À titre de comparaison, la cour d’appel d’Aix-en-Provence, la deuxième juridiction à traiter le plus de dossiers de ce type (864 depuis 2017), des indemnités d’une moyenne de 4 000 euros ont été prononcées dans seulement 268 affaires.

À lire aussi : Justice, les chiffres inquiétants du harcèlement moral au travail

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