
Pour la première fois, le tribunal administratif de Paris condamne l’État pour préjudice écologique dû à l'usage trop important de pesticides.
Après la pollution de l’air et le climat, l’État est déclaré coupable de préjudice écologique lié à l’utilisation de produits phytopharmaceutiques.
Le tribunal administratif de Paris lui donne un an, sous peine de sanctions, pour réparer ce préjudice et prévenir d'une éventuelle aggravation de la situation.
Un lien direct
Il y a un an, cinq ONG de défense de l’environnement – Pollinis, Notre Affaire à tous, l’Association nationale de protection des eaux et rivières, Biodiversité sous nos pieds et ASPAS – déposaient un recours auprès du tribunal administratif de Paris.
Ils pointaient du doigt une défaillance de l’État « dans la mise en place de procédures d’évaluation des risques et d’autorisations de mise sur le marché des pesticides ». D’après ces acteurs, ces procédures étaient « lacunaires » et responsables de l’effondrement de la biodiversité.
Dans une décision rendue le 29 juin, le tribunal administratif de Paris leur donne en partie raison. Pour la première fois, la justice reconnaît un préjudice écologique à la biodiversité.
« L'État a commis deux fautes, en méconnaissant d'une part les objectifs qu'il s'était fixés en matière de réduction de l'usage de produits phytopharmaceutiques et, d'autre part, l'obligation de protection des eaux souterraines », indique le juge. « Le préjudice écologique présente un lien direct et certain avec ces fautes », continue-t-il.
Un euro symbolique
Pour rappel, le préjudice écologique est défini par la Cour de cassation comme une « atteinte directe ou indirecte à l’environnement découlant d’une infraction ». Pour être reconnu comme tel, une dégradation de l’écosystème doit être constaté, ce qui est le cas ici. Une fois considéré, le dommage environnemental peut donner droit à une réparation financière.
Dans cette affaire, l’État est condamné à verser un euro symbolique aux associations et 3000 euros de dépens. Le tribunal a suivi en cela les demandes des associations.
Les ONG souhaitaient avant tout que l’État répare le préjudice. Le tribunal a donc décidé de donner jusqu’au 30 juin 2024 à l’Etat pour y remédier. « Il est enjoint à la Première ministre et aux ministres compétents de prendre toutes les mesures utiles de nature à réparer le préjudice écologique et prévenir l’aggravation des dommages en rétablissant la cohérence du rythme de diminution de l’utilisation des produits phytosanitaires avec la trajectoire prévue par les plans Ecophyto et en prenant toutes mesures utiles en vue de restaurer et protéger les eaux souterraines contre les incidences des produits phytopharmaceutiques et en particulier contre les risques de pollution », précise la décision.
Pas de mise en cause des procédures
Pour autant, le juge administratif n’a pas suivi la demande des ONG d’obliger l’État à changer ses procédures.
Les conclusions de la rapporteure publique, rendues début juin, allaient pourtant dans leur sens.
La décision reconnait des « carences fautives de l’État au regard du principe de précaution » dans les procédures d’évaluation et d’autorisation de mise sur le marché des pesticides, mais estime que le « le lien de causalité entre ces insuffisances et le préjudice écologique reconnu n’[est] pas certain ».
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