Contrefaçon, comment évaluer plus justement le préjudice ?

L’indemnisation après une violation de la propriété intellectuelle est souvent perçue comme un frein à la lutte contre la contrefaçon. Pourtant, depuis 2004, les textes ont renforcé les moyens de réparer le préjudice.

Cette chronique est proposée par Romain Lortat-Jacob, managing director chez FTI Consulting.

La France est le second pays le plus touché par la contrefaçon, avec une perte annuelle pour les entreprises estimée à près de 8 milliards d’euros. Outre la répression, l’indemnisation joue elle aussi un rôle capital pour combattre le phénomène.

En ce sens, le Code de la propriété intellectuelle (CPI) de 2007, adaptation française d’une directive européenne d’avril 2004, a permis de favoriser le dédommagement des victimes en évaluant le préjudice selon deux approches.

L’approche in concreto

La première, dite in concreto, considère aussi bien les conséquences négatives pour la victime que les conséquences positives pour le contrefacteur. Les conséquences négatives englobent d’une part les pertes subies, mais aussi les gains manqués.

Ces derniers comprennent la marge perdue sur les ventes que la victime aurait pu réaliser, ainsi que les redevances qu’elle aurait été en droit de percevoir sur les ventes qu’elle n’aurait pas pu réaliser (soit que le taux de report est inférieur à 100%, soit que le titulaire n’exploite pas directement ses droits).

Du côté du contrefacteur, la notion de bénéfices inclut la marge réalisée ainsi que les économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels. Toutefois, de nombreuses questions subsistent : la prise en compte des bénéfices du contrefacteur peut-elle se cumuler avec le préjudice pour la victime ? La demande peut-elle porter uniquement sur les bénéfices de l’un, sans recoupement avec le manque à gagner de l’autre ? Quelle marge considérer ? Peut-on réclamer la totalité des bénéfices du contrefacteur ?

À cela s’ajoute le préjudice moral, tel que l’atteinte à image ou la réputation. Compte tenu de sa nature immatérielle, la victime doit fournir un maximum d’éléments tangibles relatifs à son existence (études, revue de presse, etc.) ou à ses conséquences financières,  de manière à optimiser ses chances d’indemnisation.

L’approche forfaitaire

De son côté , l’approche forfaitaire prévoit le versement d’une somme « supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit auquel il a porté atteinte. » Mais celle-ci n’est que peu utilisée dans les faits, car souvent considérée comme moins intéressante pour la victime.

Elle n’empêche, cependant, pas la prise en compte des profits du contrefacteur à l’aide notamment de la méthode du « profit split », qui permet de fixer un taux de redevance selon la contribution apportée par chacun à la génération dudit profit.

Le « profit split », qu’est-ce-que c’est ?La méthode du partage de profit, ou « profit split », reconnue par l’OCDE, consiste à partager la marge générée entre le titulaire des droits de propriété intellectuelle et la société qui les exploite.
Ce partage peut ensuite se traduire en équivalent de taux de redevance. La part des profits attribuée à chaque acteur tient compte notamment de la profitabilité, l’importance de l’actif incorporel dans la décision d’achat, le risque (ou l’absence de risque) pris par chaque partie.

Par ailleurs, contrairement aux idées reçues, cette approche peut parfaitement aboutir à un préjudice supérieur à l’approche in concreto. D’une part, parce que la loi dispose que la redevance doit être majorée pour tenir compte du fait que la licence n’a pas été librement consentie.

Et d’autre part, parce qu’elle peut se cumuler avec un préjudice moral, ce qui se produit rarement dans la première approche, les coûts supplémentaires pour la victime ayant déjà été réclamés au titre des conséquences négatives. Ce dernier aspect, mais aussi l’approche forfaitaire dans son ensemble, mériteraient donc plus de considération de la part des victimes.

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