Crypto-actifs : soulagement général de l’écosystème ou simple pas de côté du législateur ?

Les débats parlementaires sur les critères de l’agrément PSAN préoccupe fortement l’écosystème de plateformes de cryptos-actifs.

Cette chronique partenaire est proposée par Thomas Schauber, avocat fiscaliste, spécialiste des crypto-actifs.


Il y a tout juste un mois fleurissaient de nombreux commentaires à propos de l’adoption d’un amendement sénatorial au projet de loi portant diverses adaptations au droit de l’Union européenne.

Cet amendement prévoyait en substance la fin du régime français d’enregistrement obligatoire auprès de l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) de certains prestataires sur actifs numériques.

Ces prestataires devaient alors, selon les termes de l’amendement, obtenir un agrément auprès de l’AMF à partir du 1er octobre 2023.

Cette évolution législative avait logiquement entrainé une levée de boucliers de la part de l’écosystème français, dans la mesure où à ce jour, aucun acteur ne bénéficie dudit agrément.

Peu de changements réels

Le texte dans lequel était inséré cet amendement était en débat le 24 janvier dernier à l’Assemblée Nationale.

Différents amendements, présentés par des députés ou le gouvernement, ont été  discutés dans le but de revenir sur le régime résultant de la position du Sénat. Trois de ces amendements ont été adoptés.

À compter du 1er janvier 2024, désormais, les prestataires visés par l’enregistrement obligatoire pourront donc toujours s’enregistrer auprès de l’AMF, sous réserve du renforcement des obligations auxquelles ils sont soumis.

Ainsi, en parallèle des obligations en matière d’honorabilité, de compétence et de lutte anti-blanchiment et financement du terrorisme (les concernant déjà à l’heure actuelle), les acteurs devront désormais se doter d’un dispositif de contrôle interne et d’un système de gestion des conflits d’intérêts.

En outre, ces prestataires devront communiquer de manière sincère envers leurs clients, tant dans les informations techniques qui leur sont données que dans leur politique tarifaire.

Dit autrement, la potentielle législation nouvelle ne semble pas alourdir les contraintes pesant déjà sur les acteurs vertueux.

Comment envisager la création d’une entreprise dans un domaine ayant aussi mauvaise presse que les crypto-actifs sans avoir mis en œuvre des procédures internes de gestion des risques, de prévention des conflits d’intérêts ou en divulguant des informations mensongères ?

En définitive, les changements opérés ne semblent pas de nature à modifier réellement le fonctionnement d’une entreprise prestataire de services sur actifs numériques.

Ils n’auront pour effet que d’accroître les domaines sur lesquels pourront porter les contrôles de l’AMF et in fine, les arguments selon lesquels cette dernière pourrait refuser ou retirer le statut de PSAN (et donc le droit d’exercer).

Vers un pouvoir discrétionnaire de l’AMF

Relevons que l’un des amendements adoptés dispose expressément que l’AMF pourra d’office décider de la suspension de l’enregistrement d’un prestataire au motif qu’elle considérerait que sa situation « représente une menace grave et imminente pour la stabilité du marché des actifs numériques en poursuivant son activité de services sur actifs numériques ».

Outre d’autres ajouts plus techniques, ce nouveau texte acterait la cessation du régime existant et du régime nouveau en prévoyant que, à l’issue de la période transitoire de mise en œuvre du règlement européen dit « MiCA », l’ensemble du droit financier des actifs numériques (art. L 54-10-1 à L 54-10-5-1 du Code monétaire et financier – à l’exception des dispositions concernant les émetteurs de jetons) sera abrogé.

Un calendrier sans date donc, qui invitera tout professionnel de cet écosystème à considérer qu’il est essentiel d’organiser une veille juridique pour suivre l’évolution de la réglementation les concernant.

Mentionnons en effet que le chantier semble loin d’être achevé, dans la mesure où l’un des amendements adoptés a conféré au gouvernement le pouvoir de légiférer, par ordonnance, pour adapter le Code monétaire et financier et les compétences de l’AMF et de l’ACPR aux mesures prévues par le règlement MiCA.

Ainsi, s’il est clair que rien ne l’est, il conviendra d’être particulièrement attentif à l’évolution de ces dispositifs et à la manière dont ils seront mis en œuvre.

Rappelons enfin que les développements ci-dessus commentent un amendement, qui n’a donc pas valeur de loi, dans l’attente d’un vote conforme du Sénat.

Du droit provisoire donc, mais qu’il n’est pas inintéressant d’anticiper, ce pourquoi nous restons à votre entière disposition pour vous accompagner dans vos réflexions.

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