Danger des nitrites, le droit d’alerte d’une entreprise reconnu

La justice a reconnu à l’application mobile Yuka, le droit d’alerter sur les dangers des nitrites, au nom de sa liberté d’expression.

Après trois condamnations en première instance, l’application d’évaluation de produits Yuka a obtenu, le 8 décembre, gain de cause auprès de la cour d’appel d’Aix-en-Provence face au charcutier ABC Industrie.

Au-delà de cette première victoire – signe de bon augure pour la startup qui a encore deux autres procès en appel en attente -, cet arrêt reconnaît, à une entreprise, le droit d’informer sur les risques, pour la santé, des nitrites présents dans la charcuterie.

Une pétition qui fâche

Jusqu’à l’année dernière, lorsqu’un utilisateur de Yuka scannait le code barre des jambons Noixifine de la société ABC Industrie la note de 9/100 était indiquée. Un bandeau, renvoyant à une pétition pour l’interdiction des nitrites « additif favorisant l’apparition du cancer colorectal et de l’estomac », apparaissait aussi. L’utilisateur était ainsi invité à la signer.

De quoi rendre furieux ABC Industrie qui a poursuivi la startup pour pratiques commerciales trompeuses et déloyales devant le tribunal de commerce d’Aix -en-Provence.
Le 13 septembre 2021, Yuka est reconnue coupable de « pratiques commerciales déloyales » et « trompeuses » ainsi que pour « des actes de dénigrement » à l’encontre du fabricant de charcuterie.

Elle est aussi condamnée à verser à l’agro-industriel 25 000 euros d’amende et à retirer l’appréciation « risque élevé » attribuée à l’additif E250 (nitrite), désormais rétrogradée au niveau « à risque ».

Enfin, Yuka a dû supprimer toute mention précisant que les nitrites seraient « cancérogènes » ou « génotoxiques ».

Bon à savoir : Lancée en 2019, la pétition a cumulé 372 000 signatures en trois ans.

Une mission d’information

La Cour d’appel d’Aix-en-Provence saisie par la start-up n’a eu pas la même lecture que le juge du commerce.

Dans son arrêt du 8 décembre, que « Lex Daily News » s’est procuré, les juges insistent sur le service proposé par Yuka en se basant, notamment, sur l’extrait Kbis versé aux débats. « […] Il est ni contesté, ni contestable, que le service offert par le consommateur est un service d’information, mais aussi un outil pour permettre à ce consommateur d’agir auprès des industriels dans le but d’obtenir une amélioration des produits offerts », indiquent-ils.

La cour reconnait la mission d’information de l’entreprise afin de permettre au consommateur de choisir les meilleurs produits pour sa santé.

La liberté d’expression d’une entreprise

Cette activité ne faisant plus débat, elle est protégée par la liberté d’expression.

L’arrêt est très clair à ce sujet : « Toute activité, fut-elle à but commercial, ayant pour finalité l’information de tiers et la diffusion d’opinion est protégée par la liberté d’expression telle que garantie par l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, l’article 11 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen inscrite au préambule de la Constitution et l’article 11 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne, dans les limites prescrites par ces textes tels qu’interprétés par la Cour Européenne des Droits de l’Homme ».

Les juges insistent : le fait « de proposer aux utilisateurs de l’application de signer une pétition entre de toute évidence dans le cadre de la liberté d’expression ».

Une base factuelle suffisante

Le droit d’alerte de la startup serait aussi protégé d’informations correctement et suffisamment sourcées.

La Cour d’appel d’Aix-en-Provence estime que Yuka s’appuie sur une base factuelle solide pour considérer ces additifs comme étant à risque élevé et pour proposer aux consommateurs de s’y opposer.

L’application ne ferait que contribuer au débat public.

À lire aussi : Les applications d’évaluation des produits sont-elles fiables ?

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