Devoir de vigilance : quels enjeux pour les entreprises ?

Six ans après sa création, le devoir de vigilance prend toute sa place dans l’Union européenne, obligeant les entreprises à rendre plus de comptes.

Cette chronique partenaire est proposée par Charlotte Michon, avocate et fondatrice du cabinet Michon Avocats. 

Le devoir de vigilance demande aux entreprises d’identifier et de prévenir les impacts droits humains et environnementaux négatifs de leurs activités et de celles de leurs partenaires commerciaux.

Créé par les référentiels de soft law des Nations unies et de l’OCDE, il se traduit aujourd’hui progressivement par des nouvelles obligations juridiques.

L’objectif est de créer une nouvelle responsabilité juridique, qui vise en particulier, dans une économie mondialisée, les sociétés-mères et entreprises donneuses d’ordres.

Des contentieux stratégiques

Nous sommes à une période charnière de développement du droit et de définition de cette nouvelle exigence de vigilance.

Ces évolutions juridiques rencontrent les attentes sociétales fortes sur les sujets dits ESG, qui se traduisent aussi par des contentieux de plus en plus stratégiques sur ces enjeux par la société civile.

En France, la loi sur le devoir de vigilance de 2017 a été pionnière.  Elle est aujourd’hui suivie par d’autres pays et surtout par l’Union Européenne avec une directive dédiée attendue prochainement.

L’obligation de vigilance est aussi présente dans d’autres règlementations européennes liées à la transparence extra financière et à l’importation et la traçabilité de certains produits.

Pour se protéger de ces risques juridiques, mais aussi opérationnels et réputationnels, les entreprises doivent donc désormais mettre en place des démarches robustes et opposables. Elles doivent aussi être prêtes à en rendre compte devant leurs parties prenantes, y compris leurs actionnaires, investisseurs et partenaires commerciaux.

Seulement à ce jour, les contours de l’obligation de vigilance et les moyens de sa mise en œuvre au niveau pratique sont encore à définir.

 Des processus de prévention complexes

Alors comment s’assurer d’une démarche effective pour se protéger des risques ?

Les retours d’expériences de la loi française nous montrent la difficulté de s’assurer de la mise en place de processus de prévention des risques efficaces sur l’ensemble des activités et des relations commerciales de l’entreprise, risques qui sont par nature opérationnels. Ces risques sont aussi nouveaux pour les entreprises en ce qu’ils demandent de regarder les conséquences sur les personnes et l’environnement et non sur l’entreprise elle-même.

L’effectivité des démarches sera probablement appréciée par rapport à plus critères. La compréhension de ces risques par les entreprises d’abord et donc leur habilité à mettre en œuvre des méthodologies nouvelles et adaptées. Elles devraient aussi être capables de créer une « culture de vigilance » (définition d’engagements, implication des dirigeants, formalisation d’une gouvernance et de responsabilités identifiées, sensibilisation et formation).

Le développement de ces nouveaux « réflexes » de prise en compte systématique des impacts sur les personnes dans les processus, le dialogue avec les parties prenantes et les moyens effectifs qui leur sont donnés pour alerter l’entreprise seront aussi regardés.

Enfin, aux organisations d’afficher leur volonté d’associer ses partenaires commerciaux aux enjeux de vigilance et à mobiliser collectivement y compris avec leurs pairs pour des pratiques de vigilance durables.

Ce sont des démarches complexes, qui demandent des capacités d’innovation et d’agilité de la part des entreprises et du temps pour se mettre en place.

Les sociétés doivent anticiper, elles n’ont plus le choix. Le devoir de vigilance devient progressivement le gage de la durabilité de leurs activités et leur réponse aux évolutions règlementaires et attentes de leurs parties prenantes.

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