Et si la parité ouvrait la voie à l’inclusion de toutes les discriminations ?

Deuxième avancée législative après la loi Coppé-Zimmerman, la loi Rixain devrait accélérer la prise en compte de la parité dans les instances dirigeantes des entreprises. Au-delà de l’inflexion des mentalités par le droit, l’abolition de toutes les formes de discrimination nécessitera un véritable changement de culture.

Cette chronique est proposée par Laure Lavorel, présidente du Cercle Montesquieu, association de directeurs et directrices juridiques.

Qui n’a pas salué les avancées législatives en matière de féminisation des organes de directions consacrées par la loi Rixain du 24 décembre 2021 ? Cette nouvelle disposition complète en quelque sorte la loi Copé-Zimmermann, adoptée par l’Assemblée Nationale le 20 janvier 2011. Plus de dix ans se sont écoulés entre ces deux mesures et un chemin a été parcouru sans nul doute par les dirigeants des entreprises qui, souvent plus par contrainte que par conviction, ont ouvert leurs organes de gouvernance aux femmes.

Aujourd’hui, la loi Rixain les met en demeure d’exécuter la même démarche pour les comités exécutifs et autres conseils de direction. Il est encore trop tôt pour commenter les implications pratiques que cela génèrera, mais nous pouvons d’ores et déjà s’interroger sur les questions sous-jacentes.

Infléchir les mentalités par le droit

De quel profil un manager devrait-il désormais justifier pour participer à la prise de décision dans les entreprises, que ce soit dans la mise en œuvre de la stratégie et la conduite régulière des affaires ou en participant à la gouvernance et la validation de la gestion par les représentants des actionnaires dont sont responsables les conseils d’administration ?
Et si la vraie question qui se posait ici, en définitive, était celle de la diversité des profils au cœur du pouvoir économique au-delà de la parité hommes-femmes ?  L‘article L1132-1 du Code du travail renforce la lutte contre les discriminations au travail, mais a-t-il vocation à régir le processus de nominations des dirigeants ?

S’il faut se réjouir sans hésiter des avancées culturelles que le droit inspire au travers de ces nouvelles mesures en faveur des femmes, nous ne pouvons tout de même pas négliger la question de l’inclusion dans son acceptation la plus large au-delà de la problématique de la discrimination liée au genre. Faudra-t-il concevoir une loi Rixain bis pour encourager la nomination à des fonctions de direction des personnes en situation de handicap, une loi Rixain ter pour celle de victimes de ségrégations raciales, etc ?

La liste des discriminations est longue et la politique des quotas n’est pas sans vertu. Si le droit parvient à infléchir les mentalités, seul un changement culturel profond pourra ouvrir sur la diversité selon toutes ses acceptions. Cette prise de conscience est l’affaire de tous et l’engagement de chacun. Il en va de l’intérêt de nos entreprises, de leur compétitivité, de leur attractivité pour que les nouvelles générations ne s’en détournent pas

Bon à savoir : Selon l‘article L1132-1 du Code du travail « Aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de nomination ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte [… ] »

Repenser sa stratégie

Faudrait-il ainsi imaginer une loi pour imposer aux conseils d’administration la désignation en leur sein d’un(e) administrateur(rice) de moins de 30 ans ? Dans ce monde 3.0, pourquoi ne pas admettre que la génération Y est devenue indispensable à la compréhension des marchés mondialisés. Il serait raisonnable de reconnaitre que la cyber sécurité, les usages numériques et le marketing digital sont au cœur des stratégies de nos entreprises et qu’il serait utile d’ouvrir aussi les portes des conseils à la multiplicité des talents multigénérationnels.

L’écosystème de nos champions français a été profondément transformé par la crise sanitaire qui a accéléré la digitalisation de l’économie et favorisé de nouveaux usages. La confirmation d’un monde où la norme réglementaire structure à nouveau indéniablement les activités industrielles devrait contraindre les entreprises à repenser leur stratégie en associant des collaborateurs plus représentatifs du corps social.

Nous ne pourrons plus longtemps ignorer que la gestion des risques, les bouleversements engendrés par la crise environnementale et la conquête de nouveaux marchés nécessitent une transformation en profondeur des pratiques de gouvernance. L’inclusion de profils issus de la diversité restera n’en doutons pas un outil performant pour préparer l’avenir sereinement.

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