L’univers impitoyable des droits TV du sport

La saison de Ligue 1 de football est terminée. Comme souvent le PSG a remporté le titre de champion. Roland-Garros 2022 a pris fin et comme presque d’habitude Rafel Nada a encore gagné. Une grande nouveauté pourtant, le poids d’Amazon dans la diffusion des principaux matchs.

Cette chronique est proposée par François Lhospitalier, general counsel, passionné et expert des droits TV sportifs, ex-directeur juridique & conformité de la FFTennis, vice-président de l’AFJE et membre du Cercle Montesquieu.

Le 31 mai dernier, la présidente de France Télévisions, Delphine Ernotte, s’est dit profondément choquée par la décision de programmer le quart de finale Nadal-Djokovic le soir confiant ainsi la retransmission du match à Amazon Prime Vidéo, ajoutant que c’est un bien mauvais coup porté au partenariat entre France TV et la FFTennis.

Cette sortie est un coup politique face à la décision d’Emmanuel Macron de supprimer la redevance.

Après la suppression de la publicité après 20 heures, voici la deuxième lame budgétaire à laquelle est confronté le service public audiovisuel.

Cette colère est surjouée par la présidente de France TV. Elle a argué qu’« elle trouve choquant de privilégier un acteur américain comme Amazon au détriment du service public, surtout sur un événement financé en tout ou partie par de l’argent public », alors qu’elle sait sans doute que Roland-Garros n’est absolument pas financé par de l’argent public, mais justement par les droits TV, le sponsoring, la billetterie et les produits dérivés.

Cette polémique pose, en revanche, la question de l’accessibilité du sport au plus grand nombre, dans un monde où le sport professionnel coûte de plus en cher à toutes les parties prenantes.

Trouver un équilibre entre diffusions en claire et payante

Le même type de polémique a eu lieu avec la diffusion des matchs de championnat de football de Ligue 1, notamment après le fiasco Médiapro.

À l’issue d’un gros travail qu’il faut saluer, la mission d’information parlementaire sur les droits TV sportifs et le modèle économique du sport, menée par Régis Juanico et Cédric Roussel, a recommandé qu’un match par journée de championnat soit réservé à une diffusion en clair.

L’équilibre entre une diffusion en clair et une diffusion en payant est difficile à trouver.

D’un côté, la diffusion en clair permet l’accès au plus grand nombre ainsi qu’une meilleure exposition des marques sponsors des évènements, des équipes et des sportifs.

D’un autre, une diffusion payante avec moins d’audience, mais par des acteurs puissants répond au besoin de financement du sport professionnel qui finance d’ailleurs par ruissellement le sport amateur.

La France est heureuse d’avoir MBappé et Neymar dans son championnat de foot. Encore faut-il pouvoir se les payer. Et qui d’autre qu’un diffuseur payant peut contribuer à le faire ? Le service public de l’audiovisuel français en a-t-il les moyens ? Assurément pas à l’heure actuelle.

Pour rappel, la loi définit précisément une liste de 21 « évènements d’importance majeurs » qui doivent obligatoirement être (co)diffusés en clair.

Faut-il revoir cette liste pour l’élargir ? Si oui, comment ? Et comment un tel élargissement permettrait de continuer à donner aux organisateurs d’évènements et aux clubs les moyens dont ils ont besoin pour grandir et gagner ? Attention aux solutions trop hâtives.

Bon à savoir : Le décret n°2004-1392 du 22 décembre 2004 pris pour l’application de l’article 20-2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication dresse la liste complétement des évènements sportifs d’importance majeurs auxquels le grand public doit avoir accès gratuitement. Parmi eux, se retrouvent les Jeux Olympiques, le tournoi de rugby des Six Nations, la compétition cycliste Paris-Roubaix, le Grand Prix de France de formule 1, les finales de Roland-Garros, etc.

Le double risque de la multiplication des diffusions payantes

Pour certains sports, la multiplication des diffusions payait peut entraîner un déficit de visibilité, de popularité et d’attractive engendrant de fait une perte de licenciés et finalement de champions. Un cercle vicieux. C’est le cas avec le championnat de France de basket qui n’a pas eu diffuseur pour le début de la saison ou le championnat de France de handball diffuser sur beIN Sports.

Pour d’autres sports, comme le football qui n’ont pas de problèmes de popularité, le risque pèse sur les diffuseurs avec le streaming illégal. Face à un éclatement de l’offre obligeant les fans à s’abonner à deux ou trois chaines pour voir le sport favori, le streaming illégal, avec les fameuses IPTV, a littéralement explosé ces dernières années.

Contre ce fléau, les premiers effets de la loi du 25 octobre 2021, qu’a réussi à faire voter l’Association pour la protection des programmes sportifs (APPS), se font sentir puisque l’audience des sites illicites de sport a baissé de 37%.
Sur le million d’internautes qui ont été confrontés de janvier à mars 2022 à des blocages de sites, 19% se sont reportés vers des offres légales comme MyCanal ou beIN Sports.

Articles sur le même thème

Retour en haut

Vous n’avez pas le temps de suivre toutes les infos de la semaine ? Chaque jeudi, nous vous partageons notre newsletter, pour tout comprendre de l’actualité grâce au droit.