L’Italie exclut les crimes contre l’humanité de son droit

Un récent projet de loi pris par le gouvernement de Georgia Melonie refuse d’intégrer les crimes internationaux dans le code pénal. 

Cette chronique partenaire est proposée par Margherita Capacci, correspondante à La Haye pour la rédaction de Justiceinfo.net

Le 16 mars, le Conseil des ministres italien, l’organe exécutif du gouvernement actuellement dirigé par la Première ministre Giorgia Meloni, a amoindri par surprise un projet de loi très attendu présenté par le ministère de la Justice. Il exclut, désormais, la qualification de crimes contre l’humanité, réduit le champ d’application des crimes de guerre et de génocide, ainsi que le champ d’application de la compétence universelle – dont la mise en œuvre n’intervient que maintenant, 20 ans après l’entrée en vigueur du Statut de Rome.

L’Italie restera donc un cas presque isolé en Europe.

Depuis que la Cour pénale internationale (CPI) a commencé à fonctionner en 2002, les États parties à la Cour se sont engagés à incorporer ses principaux crimes dans leur législation nationale, à savoir les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre, le génocide et, depuis 2010, le crime d’agression. Cette obligation informelle pour les signataires du Statut de Rome répond au principe de complémentarité, qui donne la priorité aux tribunaux nationaux, et vise à faciliter la coopération des États avec la Cour de La Haye.

Le rappel à l’ordre de l’Ukraine

En février 2022, lorsque la Russie a envahi l’Ukraine, la coopération en matière de crimes internationaux est soudain devenue plus pertinente pour les États européens. L’Allemagne, l’Espagne, la Suède et d’autres États européens ont rapidement ouvert des enquêtes sur les crimes présumés commis par la Russie. Mais l’Italie, elle, ne dispose pas de la législation nécessaire pour suivre leur exemple.

Pour combler cette lacune, le précédent gouvernement a nommé une commission. Celle-ci a été créée en mars 2022 par l’ancienne ministre de la Justice Marta Cartabia et présidée par deux professeurs de droit italiens réputés, Francesco Palazzo et Fauso Pocar.

Lorsque le gouvernement de Mario Draghi est tombé en juillet dernier, il a été craint que le projet de loi ne soit abandonné. Cependant, le nouveau ministre de la Justice, Carlo Nordio, a créé un groupe de travail plus restreint, comprenant notamment le juge de la CPI Rosario Aitala, et a fait avancer le projet de réforme législative.

Le rapport final de la commission, publié en mai 2022, indique que la réforme créerait un ensemble organique de lois plus adapté au monde d’aujourd’hui. Ainsi, la qualification de génocide culturel” et la possibilité de poursuivre des personnes morales faisaient notamment partie des projets de la commission. Ces ajouts auraient permis à l’Italie de s’aligner sur certaines des évolutions contemporaines du droit international.

Un double discours politique

Le texte a recueilli le consensus des ministres de la défense et des affaires étrangères et l’approbation du procureur militaire en chef.

Cette dernière étape semblait la plus délicate, car les tribunaux militaires ont, par le passé, entravé des projets de loi similaires afin de garder le contrôle sur la poursuite des crimes de guerre. Cependant, un compromis a été trouvé, laissant les crimes commis par les militaires à leur juridiction et plaçant tous les autres crimes de guerre entre les mains des tribunaux civils.

Un bref communiqué de presse, publié le 16 mars dernier, a finalement annoncé un nouveau projet de loi. Le texte amendé ne mentionne ni les crimes contre l’humanité ni le génocide.

Pourtant, le 20 mars, le ministre italien de la justice, Carlo Nordio, a participé à une conférence à Londres, qui réunissait des ministres de la Justice venus du monde entier pour soutenir le travail de la CPI en Ukraine.

Il a renouvelé le soutien de l’Italie à la Cour de La Haye, soulignant que tout ce qu’il pouvait offrir en matière de coopération était le « savoir-faire » du pays dans la lutte contre la mafia et le crime organisé international.

Crime d’agression et compétence universelle

La version amendée du projet de loi n’est pas encore disponible publiquement et la date de publication n’a pas été annoncée. Cependant, le communiqué de presse du Conseil des ministres mentionne une compétence élargie pour les crimes de guerre, l’introduction du crime d’agression et l’extension de la compétence universelle.

Le projet de loi prévoit aussi une compétence élargie pour les crimes de guerre. À ce jour, les crimes de guerre en Italie sont inclus dans le code pénal et de la paix militaire, datant de 1941, donc d’avant la Convention de Genève.

En ce qui concerne la compétence universelle, le gouvernement affirme que le nouveau cadre permettra de poursuivre les crimes internationaux « quel que soit le lieu où ils ont été commis, si l’auteur se trouve de façon permanente sur le territoire de l’État ».
La commission elle-même avait subordonné sa compétence à la présence du suspect sur le territoire italien. Cependant, en ajoutant « en permanence » , le Conseil des ministres semble faire là aussi un pas en arrière.

L’absence notable est celle des crimes contre l’humanité, ce qui empêche les procureurs italiens de poursuivre sur ce terrain les crimes liés à l’Ukraine et aux migrants en provenance de Libye.

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