
Les aliments contenant du CBD sont-ils dangereux pour la santé ? L'autorité européenne de sécurité des aliments ne se prononce pas, faute de données scientifiques suffisantes. Cet avis laisse les fabricants dans un flou réglementaire inquiétant pour les consommateurs. Enquête.
Nouveau rebondissement dans le feuilleton réglementaire de la commercialisation des produits alimentaires contenant du cannabidiol. Dans un avis, rendu le 7 juin dernier, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) explique ne pas disposer d'assez d’éléments scientifiques pour accepter ou refuser la mise sur le marchés de tels aliments.
Circulez, il n’y a donc rien à voir ? Les acteurs du marché sont, en fait, pris dans un imbroglio réglementaire et les consommateurs peu informés.
Une commercialisation sans autorisation
Depuis plusieurs années, les infusions, chewing-gum, boissons pétillantes au CBD fleurissent dans des boutiques spécialisées et dans certains supermarchés. Toutefois, cela ne signifie pas qu’ils sont conformes à la réglementation européenne ni qu’ils ne sont pas dangereux pour la santé.
À retenir : À ce jour, un seul produit 100% CBD est autorisé en France. Il s'agit de l'Epidolex, un médicament ayant une autorisation de mise sur le marché dans le cadre du traitement de crises d'épilepsie associés à certains syndromes. |
En effet, les autorités européennes ont défini un cadre précis pour la commercialisation de nouveaux produits alimentaires afin de permettre aux consommateurs d’avoir une information claire et loyale : le règlement européen du 15 mai 1997 – dit règlement Novel Food. Ce règlement dresse une liste des nouveaux ingrédients et aliments autorisés sur le marché. La molécule CDB n’en fait pas partie, un doute subsistant toujours sur sa dangerosité en tant que stupéfiant.
Cependant, le 19 novembre 2020, dans un arrêt retentissant, la Cour de justice de l'Union européenne ( CJUE) a précisé qu'en l'état actuel des connaissances scientifiques, le CBD « n'apparaît avoir d'effet psychotrope ni d'effet nocif sur la santé humaine », il ne peut donc pas être considéré comme stupéfiant. Confortés par cette décision, une centaine de fabricants ont saisi la Commission européenne afin de l’ajouter à la liste Novel Food, régulièrement mise à jour.
La Commission, estimant ces demandes d'autorisations pas assez étoffées pour ajouter le CBD au Novel Food, s'est tournée vers l'Autorité européenne de sécurité des aliments. En décembre 2021, elle l'a mandatée afin de publier un avis général sur la sécurité du cannabidiol en tant que nouvel aliment.
Une dangerosité en débat
Les fabricants avaient bon espoir de voir enfin le CBD reconnu comme un Novel Food et d'être autorisés à le commercialiser sous forme alimentaire. Peine perdue. « Nous avons identifié plusieurs dangers potentiels liés à la consommation de CBD et nous avons établi que les nombreuses lacunes dans les données disponibles concernant ces effets sur la santé devraient être comblées avant que ces évaluations puissent se poursuivre. Il est important de souligner à ce stade que nous n'avons pas conclu que le CBD était dangereux en tant qu’aliment », explique le professeur Dominique Turck, président du groupe d'experts sur la nutrition, les nouveaux aliments et les allergènes alimentaires de l'EFSA.
Les données manquantes portent sur les effets du CBD sur le foie, le tractus gastro-intestinal, le système endocrinien, le système nerveux et le bien-être psychologique. « Des études chez l’animal montrent certains effets indésirables importants, notamment en ce qui concerne la reproduction. Il est important de déterminer si ces effets sont également observés chez l'homme », précise l’avis publié le 7 juin dernier.
Bon à savoir : La réglementation dans le domaine des cosmétiques est plus souple sur l'utilisation du CBD. La molécule est autorisée si elle provient de graines ou de feuilles d'une teneur en THC inférieur à 0.3% ou si elle est obtenue par synthèse chimique. |
Un consommateur peu éclairé
Le non avis de l’autorité européenne entraîne-t-il une interdiction ou une suspension de la commercialisation de ces produits ? C’est là que tout se complique.
En France, un arrêté du 30 décembre 2021 a autorisé « la culture, l'importation, l'exportation et l'utilisation industrielle et commerciale » d’une poignée de sous-variétés du cannabis Sativa L contenant une faible teneur (0.3%) en tétrahydrocannabinol (THC), un autre actif du cannabis. La teneur maximale s’applique au produit fini.
Dans la foulée, le Conseil d’État, dans une décision du 23 janvier 2022, a admis la vente de produits à base de CBD à condition que leur teneur en THC soit égale à 0. C’est pourquoi, les résines, crèmes, huiles, bonbons, boissons pétillantes, barres de céréales contenant du CBD sont commercialisées. Cependant, cette décision du Conseil d’État ne change rien à la nécessité d’obtenir une autorisation préalable de l’EFSA pour toute commercialisation.
Or, dans son avis, l’EFSA explique qu’elle ne dispose pas d’éléments suffisants pour donner ces autorisations. Elle attend de la part des fabricants de plus amples informations avant de se prononcer de nouveau. De quoi perdre le consommateur sur le danger potentiel de consommer de tels aliments.
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