
Le Sénat a voté un article contesté du projet de loi Justice autorisant le déclenchement à distance des caméras ou micros des téléphones dans certaines enquêtes.
Depuis mercredi, les sénateurs examinent le projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la Justice 2023-2027.
Parmi ses 29 dispositions se trouvent les réformes des tribunaux de commerces et des prud’hommes, la structuration d’une équipe autour du magistrat, une hausse du budget de la justice de 11 milliards d’euros et plusieurs modifications à la procédure pénale.
Géolocaliser et écouter
Plus précisément, l’article 3 du texte prévoit d’autoriser à distance le déclenchement des ordinateurs, téléphones et autres appareils connectés, à l’insu de leurs propriétaires afin de les localiser en temps réel.
Les micros et cameras pourraient aussi être activés à distance afin de capter des images et des sons.
Cependant, toutes les infractions ne sont pas concernées. La géolocalisation ne pourra être mise en œuvre que dans un contexte très précis : seulement dans le cadre d’enquêtes sur des crimes ou délits punis d’au moins cinq ans d’emprisonnement et si « les besoins de l’enquête ou de l’instruction » l’imposent.
L’autorisation d’un juge d’instruction ou d’un juge des libertés et de la détention est aussi obligatoire.
Tout le monde n’est pas non plus visé par l’enregistrement de paroles ou d’images avec activation à distance. Il ne pourra avoir lieu que dans des enquêtes pour grand banditisme ou terrorisme et sur autorisation d’un juge.
Une atteinte au respect de la vie privée
Cette disposition inquiète particulièrement les avocats au nom du respect de la vie privée et du secret de la défense.
Dans un communiqué de presse, le barreau de Paris estime qu’elle « constitue une atteinte particulièrement grave au respect de la vie privée qui ne saurait être justifiée par la protection de l’ordre public ».
Le Conseil d’État, lui-même, dans son avis sur le projet de loi rendu le 3 mai, reconnaît que cette méthode « porte une atteinte importante au droit au respect de la vie privée dès lors qu’elle permet l’enregistrement, dans tout lieu où l’appareil connecté peut se trouver, y compris des lieux d’habitation, de paroles et d’images concernant aussi bien les personnes visées par les investigations que des tiers ».
La plus haute juridiction administrative a donc demandé au garde des Sceaux de « renforcer les garanties prévues par le projet de loi ». Dans la version adoptée mercredi par les sénateurs, l’article 3 prévoit que cette activation à distance pour enregistrer les images et sons est limité dans le temps. Elle ne peut pas dépasser quinze jours en étant renouvelée une seule fois.
Bon à savoir : L'article 706-73 du Code de procédure pénale pose déjà la possibilité, pendant certaines enquêtes sur des crimes et des délits importants, d’enregistrer des paroles et des images, à la demande et sous le contrôle de juges. La grande nouveauté réside dans l’activation à distance des appareils. |
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