
Dans un recours déposé le 23 mai devant la Cour Suprême des Etats-Unis, le Texas fait valoir que sa loi interdisant la modération des réseaux sociaux ne viole pas le premier amendement de la Constitution. Le débat sur la liberté d’expression absolue est relancé.
Saisie en urgence mercredi, la Cour suprême des Etats-Unis va devoir très bientôt trancher deux questions essentielles pour Twitter, YouTube et Facebook. Les Américains ont-ils le droit de tout dire sur les réseaux sociaux sans aucune modération ?
Et ces plateformes pourront-elles être poursuivies pour avoir tenu leur rôle de modérateur ?
Une législation inédite
Au Texas, depuis le 11 mai, la réponse est oui. La loi Texas House Bill 2020 (HB20) interdit à toute plateforme de réseaux sociaux, comptant au moins 50 millions d’utilisateurs mensuels aux Etats-Unis, de « bloquer, interdire, supprimer, démonétiser, restreindre ou refuser l’égalité d’accès ou de visibilité ou autrement dit de discriminer l’expression ». Les Texans ont le droit de dire ce qu’ils veulent sur les réseaux sociaux sans craindre l’interdiction et la suspension de leurs comptes, même si les publications violent spécifiquement les conditions d’utilisations établies par ces plateformes.
Et s’ils estiment avoir été injustement suspendus ou bloqués pour avoir exprimé leurs opinions, la loi HB20 leur donne le droit de poursuivre l’entreprise en justice. Les plateformes visées seraient obligées de divulguer publiquement les informations justifiant les interdictions, suspensions de comptes et toute autre opération de modération de contenus.
La promulgation de ce texte, adopté en septembre 2021, avait été bloquée en décembre par un tribunal fédéral de l’État qui l’estimait contraire au premier amendement de la Constitution. Ken Paxton, l’avocat général du Texas, a fait appel de cette décision, le 9 mai dernier, avec succès. Selon lui, la loi HB20 établit que « les plateformes ne peuvent pas censurer les utilisateurs sur la base de leurs points de vue. Elle définit la censure comme le fait de bloquer, bannir, retirer, démonétiser, refuser un accès égal ou plus largement comme une discrimination de l’expression », rapporte le média Ars Technica.
De leurs côtés, les avocats de Netchoice et Computer & Communications & Industry Association, qui représentaient les intérêts d’entreprises comme Amazon, Google, Facebook, Twitter, défendaient l’idée que les sites internet doivent être protégés par le premier amendement. Le risque pour une plateforme de subir un procès pour avoir violé la loi du Texas réduirait leur liberté d’expression. Aucune loi ne devrait être en mesure de restreindre la liberté de ces acteurs de modérer les contenus comme ils le souhaitent.
Face à la décision de la Cour d’appel qui a donc autorisé cette loi texane, Netchoice et Computer & Communications & Industry Association (CCIA) ont saisi en urgence la Cour Suprême des Etats-Unis.
Que dit le premier amendement de la Constitution américaine ? « Le Congrès n'adoptera aucune loi relative à l'établissement d'une religion, ou à l'interdiction de son libre exercice ; ou pour limiter la liberté d'expression, de la presse ou le droit des citoyens de se réunir pacifiquement ou d'adresser au Gouvernement des pétitions pour obtenir réparations des torts subis. » |
Une décision à portée internationale
Cette question constitutionnelle, qui sera très prochainement tranchée par la Cour Suprême, relance un débat quasi philosophique sur la notion même de la liberté d’expression.
La position de l’instance suprême judiciaire est très attendue par les citoyens américains, mais aussi par les plateformes. Les interprétations de leur rôle de régulateur de contenus diffèrent trop d’un État à l’autre. Par exemple, le 20 mai, le tribunal de première instance du comté de Schenectady a ordonné Twitter de fournir l’identité d’un utilisateur anonyme dans une affaire de diffamation.
Pour le moment, le droit de poursuivre en justice pour une suspension est exclusif au Texas, mais il est envisageable que des projets de loi soient adoptés dans d’autres États. Dans ce cas, les GAFAM devront repenser entièrement leur stratégie de modération de contenus.
Bon à savoir : La décision de la Cour suprême sur le rôle de modérateur de ces plateformes aura aussi une incidence internationale, la plupart d'entre elles disposant de leur siège social aux Etats-Unis. En France, les recours contre Twitter pour demander à connaître l’identité des cyber-harceleurs sont de plus en plus fréquents, avec plus ou moins de succès. |
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