Retournements d’entreprises : que font les bailleurs ?

De nombreuses défaillances d’entreprises pourraient être évitées si les bailleurs faisaient preuve d’un peu plus de souplesse.

Cette chronique partenaire est proposée par Benjamin Magnet, avocat, associé du cabinet Coblence avocats, avec la participation de Clara Elari, stagiaire.

Dans un contexte inflationniste et de difficulté d’accès au crédit, les entreprises en phase de retournement éprouvent de réelles difficultés à se relever.

À l’heure où le niveau des défaillances augmente significativement, après trois années de baisse consécutive, les restructurations ne peuvent trouver d’issue favorable qu’avec de réels efforts des bailleurs, qui peinent à se traduire dans les actes.

Des négociations difficiles

Au sens du Livre VI du Code de commerce relatif aux difficultés des entreprises, le bailleur dispose d’un rôle central et des prérogatives, qui excèdent celles d’un simple co-contractant.

En dépit de cette position-clé, le bailleur est souvent la pierre d’achoppement de la restructuration d’une entreprise en difficulté, en phase amiable comme collective.

À la différence des banques, qui accordent des reports d’exigibilité (standstill) puis différés d’amortissement en procédure amiable et abandons de créances en procédure collective, les bailleurs sont souvent réfractaires à toute forme de négociation avec le preneur en difficulté, qu’il s’agisse du sort de la dette locative, de la poursuite du bail, ou des travaux nécessaires au redéploiement de l’activité.

La période de crise sanitaire en a été un exemple caricatural.

En dépit de l’intervention du Comité interministériel de restructuration industrielle dans les plus gros dossiers et d’incitations fiscales du gouvernement, les bailleurs institutionnels ou familiaux ont très largement refusé d’accorder des moratoires et abandons de loyers, y compris pendant les périodes de confinement, où les preneurs ne réalisaient parfois aucun chiffre d’affaires.

La tendance actuelle consiste hélas pour les bailleurs à toujours préférer perdre l’intégralité de leurs loyers et récupérer des locaux vides, plutôt que de participer à une restructuration amiable ou collective, dans laquelle ils auraient pourtant toute leur place.

Le besoin d’une révolution culturelle

Il en résulte de nombreuses défaillances d’entreprises, qui pourraient être évitées avec des bailleurs mieux informés et formés sur l’intérêt d’une telle restructuration pour eux.

En refusant de négocier, les bailleurs ne condamnent pas seulement les preneurs en difficulté. Ils se condamnent également eux-mêmes à terme, dans un marché de l’immobilier désormais ralenti, où la conjoncture économique ne leur garantit plus de pouvoir relouer rapidement leurs locaux.

D’une part, le niveau des loyers commerciaux est en totale inadéquation avec les capacités financières de nombreux preneurs et avec le taux d’effort supportable par eux, en particulier pour certaines activités de centre-ville (restauration, prêt-à-porter, salles de sport…).

D’autre part, les nouveaux modes d’organisation du travail (télétravail, locaux partagés flex office) conduisent à une moindre appétence pour les locaux commerciaux urbains.

Une seule solution désormais pour les sociétés en difficulté : que les bailleurs acceptent moratoires, abandons et/ou baisses de loyers, ce qui ne fait manifestement pas partie actuellement de leur vocabulaire…

Les bailleurs doivent accomplir une révolution culturelle, comme le firent les banques à l’époque, pour devenir de réels partenaires de la restructuration d’entreprises en difficulté. A défaut, la prochaine crise immobilière les laissera avec des locaux vides et les emportera à leur tour…

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