Le référendum d’initiative partagé en 5 questions

Le 14 avril, le Conseil constitutionnel a rejeté la 4e demande de référendum d’initiative partagée. Décryptage de cet OVNI juridique au périmètre mal appréhendé. 

Dans une décision rendue le 14 avril, le Conseil constitutionnel a refusé la quatrième demande de référendum d’initiative partagée (RIP) qui lui a été soumise depuis sa création.

Elle remplissait bien les contraintes procédurales, mais son périmètre ne correspondait pas à celui restreint posé par l’article 11 de la Constitution.

Explications en cinq points.

D’où vient le RIP ?

Le référendum d’initiative partagée a été institué par la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008. Il est le fruit d’un long travail de réflexion.

En 1993, le comité consultatif pour la révision de la Constitution, proposé par Georges Vendel, pensait déjà à ajouter une autre forme de référendum pour assurer un meilleur équilibre des pouvoirs. Le comité de réflexion sur les institutions de 2007 présidé par Edouard Balladur penchait aussi à sa faveur.

Il a finalement vu le jour en 2008, mais n’est entré en vigueur qu’en 2015.

Combien de soutiens sont nécessaires ?

Contrairement au référendum classique, dont l’initiative relève du Premier ministre et la décision d’y recourir au président de la République, le référendum d’initiative partagée repose sur une alliance entre les parlementaires et les citoyens.

Sa procédure nécessite les signatures d’un cinquième de parlementaires – c’est-à-dire 185 députés et sénateurs sur les 925 – soutenues par un dixième des citoyens inscrits sur les listes électorales, soit à ce jour environ 4,7 millions de personnes.

Ces soutiens sont donnés sous forme électronique et ne peuvent pas être retirés.

Une fois les soutiens obtenus, cette initiative prend la forme d’une proposition de loi, qui sera enregistrée auprès du Conseil constitutionnel, chargé d’un premier filtre.

Pour s’assurer qu’il ne rejette pas cette proposition sur ce critère, toutes les signatures des parlementaires doivent être récoltées à la date de son enregistrement. Celles effectuées après ne seront pas prises en compte.

Ensuite, les Sages ont un mois pour juger de sa conformité à l’article 11 de la Constitution. Si c’est le cas, cette proposition de loi ne se transforme pas pour autant immédiatement en référendum.

Les citoyens disposent de neuf mois pour la signer sur une plateforme mise en place par le gouvernement.

Une fois la signature d’un dixième d’électeurs obtenue, la proposition de loi est soumise au Parlement. L’Assemblée nationale et le Sénat ont  six mois chacun pour l’examiner et la modifier.

S’ils ne le font pas, alors le président de la République n’a plus d’autres choix que de soumettre la proposition à référendum auprès des citoyens.

Le RIP peut-il concerner n’importe quel sujet ?

Non. Son périmètre, tout comme celui du référendum classique, est limité. Il n’est pas possible, par exemple, de proposer un tel référendum sur le rétablissement de la peine de mort car son interdiction figure dans la Constitution.

La proposition de la loi demandant un RIP ne peut pas non plus avoir pour objectif d’abroger une loi promulguée depuis moins d’un an.

Par exemple, il n’est plus possible de déposer une demande de référendum d’initiative partagée portant sur la réforme des retraites, puisque le texte a été promulgué dans la nuit du vendredi 14 au samedi 15 avril par le président de la République.

Selon l’article 11 de la Constitution, en particulier ses alinéas 3 et 6, seuls les projets de loi portant sur les sujets suivants peuvent être sujets à un référendum d’initiative partagée :

  • L’organisation des pouvoirs publics ;
  • Des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent ;
  • L’autorisation de ratifier un traité qui aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions, sans pour autant être inconstitutionnel.

Qu’est-ce qu’une réforme ?

Selon les parlementaires, qui ont déposé la demande de RIP rejetée le 14 avril, celle-ci entrait dans le champ des réformes relatives à la politique économique et sociale.

C’est bien là tout le débat qui émeut la classe politique depuis vendredi dernier. D’après les Sages, la proposition de loi, composée d’un seul article, ne portait pas sur une telle réforme à la date de son enregistrement, le 20 mars.

En s’appuyant sur des travaux préparatoires de la loi constitutionnelle du 4 août 1995 qui est à l’origine de cette notion de « réforme relative à la politique économique et sociale de la nation et aux services publics qui y concurrent », le Conseil estime que l’article de cette proposition de loi n’apporte pas de « changement de l’état de droit ».

La proposition de loi faisait valoir que « l’âge d’ouverture du droit à une pension de retraite mentionnée au premier alinéa de l’article L351-1 du Code de la sécurité sociale, à l’article L732-18 du Code rural et de la pêche maritime ainsi qu’au 1° du paragraphe I de l’article L.24 et au 1° de l’article L.25 du Code de pensions civils et militaires de retraites, ne peut être fixé au-delà de 62 ans ».

La rédaction précise d’une demande de référendum d’initiative partagée a toute son importance. Chaque mot est pesé par les Sages et sujet à interprétation.

Dans sa décision de rejet du 14 avril, le Conseil constitutionnel remarque qu’à la date d’’enregistrement de cette proposition de loi « l’article L.161-17-2 du Code de la sécurité sociale prévoit que l’âge d’ouverture du droit à une pension de retraite […] est fixé à 62 ans ».

« Ainsi à la date d’enregistrement de la saisine, la proposition de loi visant à affirmer que l’âge légal de départ à la retraite ne peut être fixé au-delà de 62 ans n’emporte pas de changement de l’état de droit », conclut le Conseil constitutionnel.

Combien de fois le RIP a-t-il été utilisé ?

La première tentative d’un tel référendum date de 2019. Elle visait à interdit la privatisation d’Aéroport de Paris. Le Conseil constitutionnel a accepté la demande, mais cette dernière a été abandonnée car elle n’a reçu le soutien, insuffisant, que de plus d’un million d’électeurs.

Lors du mouvement des Gilets Jaunes, les pétitions en faveur d’un référendum d’initiative partagé ont été nombreuses, mais elles n’ont jamais eu de suite faute de soutien d’un cinquième des parlementaires.

Le texte visant à affirmer que l’âge légal de départ à la retraite ne peut pas être fixé au-delà de 62 ans, a quant à lui, été rejeté par les Sages pour une question de périmètre.
La proposition de loi portant création d’une contribution additionnelle sur les bénéfices exceptionnelles des grandes entreprises, du 15 octobre 2022, a subi le même sort.

Une autre demande de RIP, portant toujours sur le projet de loi de réforme des retraites, est en cours d’instruction auprès des Sages. Les juges de la rue Montpensier rendront leur décision le 03 mai prochain.

À ce jour donc, aucun référendum d’initiative partagé n’a pu être mené à bien.

À écouter : À la découverte du Conseil constitutionnel

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