Droits humains et géopolitique, quels risques pour les entreprises ?


Les actions judiciaires se multiplient contre les entreprises choisissant de continuer les relations commerciales dans des contextes géopolitiques périlleux.

Cette chronique partenaire est proposée par Charlotte Michon, avocate et fondatrice du cabinet Michon Avocats. 

Partir ou rester, cesser de vendre ses produits, rompre les relations commerciales ?

Autant de questions que se sont posées les entreprises par rapport à leurs activités en Russie depuis février 2022, ou au Myanmar après le coup d’état de 2021.

Quels sont les risques pour les entreprises à exercer des activités commerciales dans ces contextes « sensibles », associés à des graves violations des droits de l’homme, souvent systémiques, alléguées contre des États ou autorités publiques ?

Responsabilité pénale et sanctions internationales

Il y a évidemment les premiers risques de sureté d’exercer ces activités dans les zones de conflits, qui demandent aux entreprises de prendre des mesures immédiates de protection de leurs employés ou installations.

Les menaces d’être associé à des violations de droit international humanitaire, à des pratiques des forces de sécurité par exemple, doivent être aussi analysés selon les décisions prises par les entreprises.

Au-delà des risques sécuritaires, les entreprises s’exposent aux risques liés au non-respect des sanctions internationales, européennes ou nationales (notamment américaines), qui sont souvent prises contre des entités considérées comme responsables de violations des droits humains.

Les entreprises sont aussi l’objet de plus en plus de contentieux pénaux portés devant les juridictions françaises pour des faits de complicité ou de recel des crimes les plus graves liés à ces contextes sensibles et à l’association avec des pratiques gouvernementales contestées.

Souvenons-nous, par exemple, des accusations de recel de crimes contre l’humanité contre des entreprises du secteur textile pour des agissements de leurs fournisseurs en Chine contre la communauté ouighoure ; ou encore des plaintes contre des sociétés de l’armement pour complicité de crimes de guerre et crimes contre l’humanité au Yémen du fait d’exportation d’armes.

Ces actions judiciaires stratégiques se multiplient cherchant à engager la responsabilité pénale de l’entreprise.

Le fondement du devoir de vigilance de l’entreprise, et donc de la responsabilité civile, peut aussi être utilisé, avec par exemple des mises en demeure contre des entreprises pour leurs activités ou leur approvisionnement en Russie, qui contribueraient à des violations graves des droits humains lors du conflit armé.

Des désinvestissements responsables

Alors comment les entreprises peuvent-elles réagir et anticiper les risques ?

 En réaction aux changements de contexte, il faut souligner dans certains cas la complexité pour des entreprises de simplement cesser leurs activités. Outre les considérations économiques, des dilemmes droits humains peuvent se poser.

Difficile de garantir des conditions de vie et d’emploi satisfaisantes pour leurs salariés locaux, de garantir l’approvisionnement de certains produits essentiels tout en essayant de ne pas impacter de manière trop importante les populations locales du fait du retrait.

C’est pourquoi et dans le respect de leurs engagements droits humains, il est attendu de leur part des pratiques de « désinvestissement responsable ».

Elles consistent à identifier les impacts droits humains négatifs de leur décision de retrait et de mettre en place les actions nécessaires pour les minimiser (cf les recommandations des principes directeurs de l’OCDE sur la conduite responsable des entreprises).

En prévention, les entreprises ont tout intérêt intégrer systématiquement les risques géopolitiques dans leurs décisions via leurs démarches de vigilance droits humains.

Une cartographie des droits humains, des due diligences des partenaires, des fournisseurs et des clients ainsi qu’une analyse du contexte droits humains du pays sont indispensables pour prendre des décisions d’investissement en connaissance de cause.

Ces outils permettent aussi d’identifier les signaux faibles et d’être en capacité de réagir au plus vite, au regard des obligations et engagements droits humains.

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