La révolution de velours des ordonnances Macron

L’application de la nouvelle articulation des conventions collectives reste incertaine, cinq ans après la publication des ordonnances Macron.

Cette chronique partenaire est proposée par Arnaud Lucchini, docteur en droit de l’université de Montpellier, et François Hubert, avocat du cabinet Voltaire Avocats.

Le 22 septembre 2022 a sonné le cinquième anniversaire des « ordonnances  Macron » réformant le droit du travail. Une mesure y consacre la prévalence de la convention collective d’entreprise sur celle de branche.

La conclusion d’une convention propre à l’entreprise permet d’écarter le contenu des conventions issues des branches professionnelles (métallurgie, transports, bâtiment, etc.).
Rappelons que toutes ces conventions collectives sont signées entre employeurs et salariés, représentés le cas échéant par les organisations syndicales.

S’agit-il d’une révolution ? Sur le papier, oui. Car la réforme de 2017 a abrogé toute référence au principe de faveur selon lequel s’appliquait la convention la plus favorable aux salariés.

La convention d’entreprise peut prévoir des conditions de travail et des garanties différentes de la convention de branche, sans considération d’être plus ou moins favorable.

Cette législation est à observer au regard des cinq années passées.

Une prévalence limitée

Du côté des pouvoirs publics, la volonté d’assurer la prévalence des conventions d’entreprise s’est révélée à géométrie variable.
Pour preuve, en réaction aux ordonnances, plusieurs branches ont décidé de limiter la prévalence, par exemple en interdisant de moduler les primes de treizième mois.

À contre-courant de l’esprit de la réforme, le ministère du Travail a assuré qu’un régime de dérogation serait accordé à la branche des transports. Régime qui a été censuré par le Conseil d’État, avant que le pouvoir législatif ne le sauve in extremis.

Pour ce qui est des autres branches, le ministère a refusé toute entorse à la règle.
Il s’est encore confronté à la censure du Conseil d’État, cette fois au motif que la loi ne précise pas le périmètre exact de la prévalence de la convention d’entreprise en matière de salaire.

À retenir : L’absence d’affirmation claire et non équivoque d’un principe de prévalence entraîne une difficulté à connaître précisément le pouvoir reconnu aux entreprises.

Hormis la question des salaires, où les branches peuvent imposer des minima, la convention d’entreprise n’est pas moins autonome pour définir, notamment, le régime du temps de travail, le montant des indemnités conventionnelles de licenciement ou encore innover sur d’autres thématiques.

Un large périmètre

À ce titre, la lecture des conventions conclues depuis la réforme appelle à l’humilité au vu des multiples usages que font les acteurs de leurs nouvelles capacités.

Ainsi, des conventions d’entreprise évincent l’application de la convention de branche, alors que d’autres s’y soumettent. La diversité des choix opérés au niveau des entreprises est le signe d’un réel pouvoir, celui de déterminer en leur sein les règles encadrant les conditions de travail.

Ce pouvoir reste soumis à une condition : conclure une convention collective d’entreprise, indépendante de celle négociée dans la branche professionnelle.

Les conventions d’entreprise signées par an se stabilisent (environ 75 000), avec un quart seulement dans des entreprises sans interlocuteur syndical.

Ce n’est donc plus tant sur la réforme de 2017 qu’il faut porter le regard, mais vers les acteurs, car la règlementation du travail est et sera de plus en plus une résultante des choix négociés au niveau de ces entreprises.

Bon à savoir : Si la majorité des conventions d’entreprise ne porte que sur l’épargne salariale (44 %), la proportion traitant des conditions de travail connaît la plus forte augmentation en 2021 (+ 6 %).
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